La 5G – un modèle de société plus qu’une technologie
Contribution de Buenas Ondas à la concertation citoyenne Tours Métropole 5G
15 avril 2021
La technologie va trop vite
Plus vite que le temps politique, bioéthique, et scientifique en matière d’études d’impacts environnemental et sanitaire. Cela pose des problème d’évaluation, et donc de prise de décision, limitant l’action à un suivisme technologique et à des aménagements à la marge sur une politique du fait établi. En ce sens, l’observatoire des ondes pourrait élargir ses missions à une forme d’observatoire des usages numériques.
Faire le bilan après 20 ans d’histoire numérique
La convergence des technologies NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’Information, et sciences cognitives), de l’émergence de l’intelligence artificielle, et l’essor fulgurant de la miniaturisation et de l’automatisation entraîne une vraie rupture sociétale, civilisationnelle, qui demande un temps de pause pour redéfinir les priorités. Il s’agit à présent de gérer la dette sociale, économique, et environnementale liée à la croissance exponentielle de ces technologies dans notre quotidien et leur immission dans nos intimités. C’est l’heure de faire le bilan de 20 ans de massification de l’information disponible et de savoir si elle nous a rendu plus humain. Cette rupture demande à ce que chacun puisse faire acte d’un consentement éclairé sur ses choix technologiques à l’heure où l’on passe de l’internet des objets à l’internet des corps. C’est à dire l’interfaçage de l’homme avec la machine par le biais de capteurs, puces RFID, et autres accessoires de quantification personnelle qui se greffent de plus en plus intimement avec notre corps.
La gouvernance numérique
La pénétration de la technologie dans l’espace social et l’administration algorithmique du comportement des populations pose la question de la gouvernance du numérique. Particulièrement dans un monde où les plus grandes démocraties vivent depuis le 11 septembre 2001 dans un état d’urgence permanent, sécuritaire et sanitaire. Contexte d’exception qui réduit la capacité de nos démocraties et renforce toutes les surveillances et les atteintes aux libertés les plus fondamentales. Peut-être est-ce une piste pour positionner notre territoire, qui s’est déjà doté d’un observatoire des ondes, vers une conscience et une moralité plus grande en matière de « progrès » technologique ?
Inclure tous les publics, nourrir le sens
Le débat est par conséquent beaucoup plus vaste que la seule innovation technologique, et c’est peut être ce débat qui pourrait être au cœur de nos recommandations. Celui-ci demande du temps. Le temps du recul, de la conscience et du sens. Et un temps pragmatique ancré dans la vie locale et les besoins réels de ses habitants. C’est aussi un temps qui est celui de l’inclusion : donner une place dans cette société technologique aux personnes fragiles, aux personnes faiblement connectées et technologisées. Mais aussi à tous ceux qui ne souhaitent pas nécessairement vivre avec un écran mais davantage avec des humains. Sans omettre l’importance des insectes, pollinisateurs, et de la biosphère, que ce déferlement d’ondes et d’extraction de matériaux ne laisseront pas indemnes.
C’est également le temps de la gestion des comportements addictifs générés par ces technologies et ces algorithmes. L’effet « drogue dure » de ces technologies ne peut plus être marginalisé. Nous devons le regarder en face. C’est un enjeu de santé publique qui touche toutes les générations. Il s’agit d’inclure et de renforcer la formation des professions de santé sur ces nouveaux enjeux sanitaires, tant sur les comportements, que sur l’impact des ondes électromagnétiques sur notre physiologie et plus largement sur le vivant. La métropole compte des acteurs de santé très significatifs et innovants comme le Centre Bois Gibert, l’association C2DS (Comité pour le développement durable en santé) ou le CHRU de Tours et son département sur les maladies rares. Continuons à être pionniers sur ces nouveaux enjeux.
Que faire localement ?
Il s’agit de nous réapproprier notre rapport à la technologie. De devenir un acteur conscient, moins passif, de notre environnement technologique. À un niveau local, nous n’avons pas la capacité à mettre le frein à main sur la 5G et de nous offrir ce temps qui serait nécessaire à la redéfinition de nos priorités, puisque l’implantation de la 5G est une décision nationale. Alors peut-être pouvons-nous faire en sorte de nous engager vers un MIEUX de technologie pour mieux vivre avec elle :
-
par l’éducation, la transmission et l’échange des pratiques, par le partage des idées,
-
convergeant vers l’élargissement du concept d’hygiène à celui d’hygiène numérique – pour la protection de notre intégrité et de nos identités numériques,
-
introduisant le concept d’hygiène électromagnétique – pour préserver sa santé physique et psychique, son bien-être et celui des autres à l’instar du tabagisme passif.Afin de mieux se vivre soi dans la gestion de nos identités numériques. Et de mieux vivre ensemble dans nos interactions électromagnétiques. Par la somme de petits gestes individuels et collectifs, dans un immeuble par exemple, qui permettent de réduire l’exposition aux ondes de tous les locataires, de devenir conscient de nos comportements et des conséquences qu’ils ont sur notre environnement, sur nos voisins.
Du tabagisme passif à l’exposition aux ondes passive
L’évolution de nos usages relatifs au tabac ces dernières décennies est en ce sens assez inspirante. Tous les quarantenaires et les plus âgés se rappellent de ce monde où l’on fumait au restaurant, dans les bars, dans les lieux publics, en voiture, à table avec les enfants, près d’une femme enceinte, dans le métro, dans les salles de concert… Un monde d’insouciance et d’inconscience. La transformation de nos comportements nous ont permis de prendre en compte l’autre dans notre environnement, et de prendre conscience que la fumée se déplace et entre dans la sphère de l’autre. Et l’autre peut y être sensible, et en souffrir. Elargir ce concept à l’enjeu de l’exposition aux ondes électromagnétiques semble évident aujourd’hui.
Interroger la norme et son efficacité
Les normes actuellement en vigueur relatives à la protection contre les ondes électromagnétiques (public et travailleurs), identifient des personnes à risque qui exigent des seuils d’exposition plus faibles que ceux de la population générale. Les normes actuelles sont obsolètes et présentent des seuils faiblement protecteurs, jusqu’à 100 fois supérieurs aux recommandations européennes. Elles s’appuient sur des recommandations de 1998, avant l’essor des technologies communicantes, et protègent la population seulement sur une durée d’exposition de 6 minutes pour des effets aigus et immédiats. Ces seuils sont bien souvent dépassés dans l’espace public et privé pour ces publics à risque. La massification du télétravail, des objets connectés dans tous les espaces privés et publics, amplifie déjà ces dépassements et cela ne va aller qu’en s’accélérant. Les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées et en déficit immunitaire, les porteurs d’implants médicaux, les électrohypersensibles sont autant de personnes qui ne sont pas impliquées aujourd’hui dans le débat sur la 5G et plus largement de la société numérique, et qui en sont les premières victimes. Ils représentent des millions de personnes en France. La prise en compte de ces publics à risques semble aujourd’hui une évidence car la 5G va induire une augmentation du brouillard électromagnétique environnemental alors qu’il faudrait à l’inverse, le réduire, pour protéger la santé publique, en l’état actuel des connaissances scientifiques indépendantes.
Dans cette perspective, il existe aujourd’hui des référentiels beaucoup plus avancés et actualisés que les normes en vigueur en France, tels que celui de l’IGNIR ou de la Biologie de l’Habitat. Ils ont été conçus par des organisations sans liens d’intérêt avec l’industrie et prennent en compte les recommandations de précaution du parlement européen (résolution 1815 de mai 2011), du rapport Tamino, de l’EUROPAEM. Ces référentiels prennent ainsi en compte les enjeux d’une exposition chronique à des pollutions de faible intensité, pour tous les publics y compris ceux à risque, et en distinguant l’exposition nocturne (système immunitaire abaissé au repos) de l’exposition diurne (système immunitaire plus actif).
Le référentiel le plus actualisé est celui de l’IGNIR qui est déposé dans le dossier participant.
BUENAS ONDAS – un collectif de citoyens pour réfléchir ensemble aux enjeux de la société numérique et faciliter l’émergence d’une technologie plus humaine
Le collectif Buenas Ondas s’est constitué en mai 2020 à l’initiative de citoyens, de médecins, d’artistes et d’élus du territoire régional, métropolitain, et de Tours, d’entrepreneurs experts dans les domaines de l’électricité, de la mesure des champs électromagnétiques, des objets connectés. Plusieurs de ses membres sont électrohypersensibles.
Nous souhaitons contribuer sur le territoire à une sensibilisation de la population aux enjeux de la société numérique et aux bonnes pratiques d’hygiène électromagnétique. Nous souhaitons également contribuer à la recherche sur l’impact sanitaire des ondes et à l’émergence de solutions concrètes pour accompagner les publics à risque et réduire l’exposition de la population générale.
En savoir plus sur la concertation citoyenne 5G Tours Métropole